Le testament de Mohamed Abdelaziz

Mohamed Abdelaziz est décédé mardi des suites d’un mal incurable qui a fini par le terrasser. Le Polisario, qui a annoncé sa mort, n’a pas fourni de précisions sur ses circonstances; ses responsables étant réunis « en conclave » en fin d’après-midi.
Son successeur sera, selon toute vraisemblance, désigné lors d’un congrès extraordinaire convoqué dans un délai maximum de 40 jours. En attendant, c’est le président du soi-disant Conseil national, Khatri Addouh, qui assurera l’intérim comme convenu à l’avance.
Avec la mort de cet homme qui a trôné depuis 1976 à la tête du Polisario qui venait de souffler sa troisième bougie, c’est une phase d’incertitudes mâtinées d’interrogations lancinantes sur la lutte de pouvoir découlant de l’état de santé du président algérien qui vient de s’ouvrir
Des interrogations incontournables en ces temps troubles où le terrorisme a pris ses quartiers dans un Maghreb plus divisé que jamais et où le dossier du Sahara qui a toujours représenté un enjeu de politique intérieure en Algérie, risque de servir de levier à toute fuite en avant des futurs tenants du pouvoir dans ce pays confronté à l’une des pires crises économique et sociale de son histoire.
Si Bouteflika avait, dès sa première investiture, renoué avec les choix diplomatiques du président Boumediene en matière de gestion du conflit saharien, son successeur tentera certainement d’adopter une politique populiste, afin d’éveiller un nationalisme susceptible de transcender les différents clivages, les haines et les tensions engendrées par une longue guerre de succession et de compenser son éventuel manque d’aura ou de légitimité historique ou populaire.
Pour autant, faut-il prédire, dès à présent, un raidissement futur des positions de l’Algérie et, par conséquent du Polisario, susceptibles d’avoir des conséquences sur l’issue du dossier saharien et sur la stabilité dans la région, ou simplement de continuer à croire qu’il ne pourrait s’agir que de gesticulations qui s’inscriront bel et bien dans la tradition politique algérienne consistant à agiter le spectre saharien à des fins de politique intérieure et de repositionnement sur la scène régionale et internationale ? Difficile de trancher puisque pour les militaires et les services algériens, le Royaume continuera à représenter une pièce maîtresse dans le rapport de force interne au pouvoir et qu’une grande partie de l’état-major algérien ne sera sans doute jamais prête à admettre que l’Exécutif puisse contribuer à une paix qui avantagerait démesurément le Royaume. Ceci d’autant plus que l’histoire des relations bilatérales des deux pays depuis le début des années 1960, n’a été faite que de malentendus, de brouilles plus ou moins longues, de ruptures, de réconciliations souvent conjoncturelles, voire même de confrontations armées (guerre des sables en 1963, bataille d’Amgala en 1976).
La mort de Mohamed Abdelaziz, dont le successeur semble avoir déjà été choisi par Alger, n’aura donc pas d’incidences majeures sur le cours des évènements, à moins qu’elle ne s’inscrive dans l’agenda de l’une ou de l’autre des parties en lutte pour le fauteuil présidentiel algérien. Ce qui semble difficile pour le moment vu qu’elles ne font que placer leurs relais en avançant à visage couvert. C’est en fait l’après Bouteflika qui décidera du cours des évènements et non la succession de Mohamed Abdelaziz.
Ahmed Saâïdi
libe.ma