Le Rwanda rouvre une enquête sur le rôle de la France dans le génocide

Le Rwanda a rouvert une enquête sur le rôle d’une vingtaine de responsables français dans le génocide de 1994, a annoncé mercredi le procureur général Richard Muhumuza.
“Ce que nous avons annoncé, c’est l’ouverture d’une enquête sur le rôle que certains responsables français pourraient avoir joué dans les événements qui se sont produits ici en 1994 durant le génocide”, a-t-il dit à Reuters.
Les relations entre Paris et Kigali ont connu des périodes de forte tension depuis la fin du génocide au cours duquel quelque 800.000 personnes, des Tutsis, pour l’essentiel, et des Hutus modérés, ont été massacrés entre avril et juillet 1994.
Le pouvoir tutsi rwandais accuse de longue date la France d’avoir soutenu le régime du président hutu Juvénal Habyarimana, dont la mort dans la destruction de son avion, le 6 avril 1994, a précipité le génocide.
En 2006, Kigali avait temporairement rompu ses relations avec la France lorsque le juge Jean-Louis Bruguière avait réclamé que le président rwandais Paul Kagame, ancien chef de la guérilla tutsi, soit jugé pour son rôle dans la mort d’Habyarimana. Le président rwandais avait accusé en retour la France d’avoir formé les militaires qui se sont livrés au génocide.
Selon le procureur Muhumuza, qui n’a pas divulgué leurs identités, l’enquête s’intéresse au rôle possible joué par une vingtaine de responsables français militaires et autres.
“A ce stade, nous ne pouvons pas dire que nous disposons déjà d’éléments suffisants pour prononcer d’inculpations contre ces personnes. C’est pourquoi nous devons leur parler et entendre leur version de l’histoire”, a-t-il ajouté.
Des contacts ont été noués avec le gouvernement ces deux à trois dernières semaines, a-t-il poursuivi sans plus de détail.
Aucun commentaire n’a pu être obtenu mercredi auprès des autorités françaises à Paris, où on renvoie aux propos tenus le 16 novembre dernier par le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian.
“Affirmer que l’armée française a pris part au génocide est un mensonge indigne, que je ne tolérerai jamais”, avait-il alors déclaré lors d’une audition devant la commission de la défense de l’Assemblée nationale.
“Je saisis l’occasion pour réaffirmer à votre commission que j’entends défendre sans concession l’honneur des militaires français lorsqu’ils sont injustement accusés”, avait-il ajouté.
Dans un document en date du 31 octobre, la Commission nationale rwandaise pour la lutte contre le génocide mentionne 22 officiels français qu’elle accuse d’avoir joué un rôle dans la préparation puis l’exécution du génocide, dont des hauts conseillers de François Mitterrand.
La commission note aussi que les dossiers ouverts par la justice française sur la destruction de l’avion d’Habyarimana répondaient au souci de masquer le rôle joué par des officiels français.
Reuters