La semaine noire du pouvoir algérien

La semaine qui s’achève aura été particulièrement lugubre pour le pouvoir algérien. Deux événements importants ont notamment perturbé son rythme de gouvernance jusque-là paisible. Cela a d’abord commencé par la visite du Premier ministre français Manuel Valls en Algérie. Cette visite aura été caractérisée par l’aggravation du climat tendu qui perdure les relations entre les deux pays depuis quelques semaines, et le point de rupture a été atteint avec la publication par Manuel Valls dimanche soir sur Twitter d’une photo de lui en compagnie du président Bouteflika.
La photo a immédiatement fait le tour d’Internet, et pour cause. Elle montre le Président de l’Algérie épuisé, en condition déplorable, la bouche béante, l’œil hagard. L’image d’homme très malade et affaibli est ainsi affichée au grand jour, et n’est pas sans rappeler celle affichée par le défunt pape Jean-Paul II durant ses derniers mois. Pour le Premier ministre français et son équipe de communication, l’objectif derrière la publication de cette photo a certainement été atteint : il n’y a plus aucun doute sur l’état de santé du président Bouteflika.
La publication de la photo signe également l’effondrement des relations entre le pouvoir algérien et l’actuel gouvernement français. Aucune des deux parties n’en ressort indemne. Le gouvernement français sort totalement décrédibilisé du soutien apporté à l’état de santé du président Bouteflika quatre années durant. Après tout, pas plus tard qu’en juin 2015, le Président français ne saluait-il pas, dans la consternation générale, « l’alacrité » et « la grande maîtrise intellectuelle » du président Bouteflika… ?
Côté algérien, la photo laisse le pouvoir humilié. Depuis le tristement célèbre épisode du Val-de-Grâce à l’été 2013, le pouvoir algérien s’est en effet appuyé de tout son poids sur la garantie apportée par la France quant à l’état de santé du président Bouteflika. En décembre 2014, le Premier ministre Abdelmalek Sellal avait ainsi invité François Hollande à « venir constater l’évolution correcte de l’état de santé du Président algérien ».
En novembre 2015 encore, le patron du FLN Amar Saâdani avait rétorqué à ceux qui questionnaient les décisions de la présidence en les défiant de « demander à François Hollande qui décide ». Pour le pouvoir algérien, la France a représenté de bout en bout la caution du pouvoir face aux interrogations autour de la maladie du Président. Aujourd’hui, cette caution s’est évaporée et le retour de flamme en est d’autant plus douloureux pour le pouvoir.
Comme un malheur n’arrive jamais seul, le département d’Etat américain a publié un rapport dans lequel il porte de graves accusations contre le pouvoir algérien. Dans son rapport, le département d’État estime que l’Algérie souffre d’une « corruption au sein du gouvernement » qui « provient en grande partie de la bureaucratie et d’un manque de surveillance », déplore la non-application des lois contre la corruption en Algérie, et juge que « le gouvernement n’a pas pris de mesures suffisantes pour enquêter, poursuivre ou sanctionner les hauts fonctionnaires en cas de violations de la loi ». Plutôt que de répondre sur le fond, le gouvernement algérien, par le biais du ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra, a préféré éluder la question à travers des considérations pour le moins inattendues telles que la question palestinienne.
Pris à la gorge par l’implacable réalité représentée par la santé du Président ou l’ampleur de la corruption en Algérie, le pouvoir algérien devra néanmoins s’atteler dans les prochains jours à trouver des arguments plus convaincants que la sempiternelle carte de la théorie du complot dans l’espoir de désamorcer les polémiques. Le temps presse.
Yacine Balouche
TSA