La menace du CDD se concrétise pour les fonctionnaires

Le conseil de gouvernement a examiné hier un projet de décret fort controversé. Portant le n°2-15-770, ce texte de loi fixe les conditions et modalités d’emploi par contrat au sein des administrations publiques.
Mis au point par le ministère de la Fonction publique et de la Modernisation de l’administration, ce décret vise à introduire un régime d’établissement de contrats à durée déterminée dans la Fonction publique.
Le motif avancé pour justifier un tel projet est de permettre à l’administration de recruter des compétences à même d’apporter une certaine expertise afin d’accomplir certaines missions.
Ce décret suscitera de toute évidence un tollé surtout de la part des centrales syndicales qui y voient un moyen de réduire le rôle de la Fonction publique.
«Nous sommes par principe opposés à ce projet», nous a affirmé Mohammed Dahmani, membre du bureau central de la FDT. «C’est une manière de contourner les lois. S’il s’agit de contrats limités dans le temps et l’espace comme dans des pays occidentaux, je ne crois pas que cela puisse poser problème. Par exemple, il n’y a pas de problème quand une administration conclut un contrat avec un architecte pour superviser un travail ou un chantier », a-t-il expliqué. Et d’ajouter : «Mais quand il s’agit de conclure des contrats pour des fonctions stables, c’est-à-dire qui ne sont pas limitées dans le temps, cela pose problème. Et on a vu des fonctionnaires qui ont bénéficié du départ volontaire, conclure des contrats juteux avec l’administration. Ce qui est inadmissible ».
Pour sa part, Abdelhamid Fatihi, secrétaire général de la FDT, avait critiqué la décision du ministère de la Fonction publique de légaliser l’emploi par contrat dans la Fonction publique. Il a souligné que ce mode de recrutement a toujours été pratiqué dans la Fonction publique mais il était limité et dans des conditions très précises, c’est-à-dire que le recrutement ne dépassait pas un certain pourcentage et dans des fonctions qui nécessitaient une grande compétence.
Il a, par ailleurs, précisé que le nouveau projet du gouvernement s’inscrit dans une autre logique, balayant d’un trait les conditions imposées au recrutement de contractuels dans la Fonction publique. D’où la gravité du projet gouvernemental qui s’inscrit, selon lui, dans le cadre de la vision ultralibérale et la mise en application des recommandations des institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale) visant à liquider la Fonction publique, à privatiser la santé, l’école, entre autres.
Il estime également que le recrutement par contrat ouvre la voie au népotisme, au clientélisme et à la rente. Car il repose sur l’entretien et non sur le concours.
Il y a quelques mois, Abdelhamid Fatihi nous avait affirmé que «le recrutement par contrat dans l’administration publique est inconvenable tant qu’il n’y a pas de modification du Dahir n° 1.58.008 portant Statut général de la Fonction publique qui considère le concours comme principal et unique moyen d’intégrer la Fonction publique», a-t-il expliqué à Libé avant d’ajouter : «On a déjà évoqué ce sujet lors de la modification du Dahir n° 1.58.008 de 2005 mais timidement et sans plus de détails». En 2006, un projet de décret destiné à réglementer la question des contractuels au sein de l’administration a été élaboré afin de définir les modalités de recrutement de ces cadres, leurs fourchettes de rémunération, les avantages sociaux à leur accorder (notamment les assurances maladie et les retraites…). Depuis lors, rien ne semble venir.
Par ailleurs, il estime qu’un recrutement par contrat va à l’encontre du principe permettant la stabilité au sein de la Fonction publique. «Ces recrutements sous contrat (CDD, CDI) obéissent à des règles très précises et non à celles de la Fonction publique et, du coup, ces contractuels ne vont pas bénéficier des mêmes acquis et droits que les autres fonctionnaires puisque que le gouvernement place ces contrats sous le régime du Code du travail et non selon celui du statut de la Fonction publique».
T.Mourad
libe.ma