ataugeant déjà dans un impressionnant bourbier en raison de la baisse des prix du pétrole, le gouvernement Bouteflika s’y enfonce encore un peu plus alors qu’une erreur faite en 2006 risque de lui coûter plus d’un demi-milliard de dollars.
Le groupe espagnol Repsol et le français Total viennent d’engager en mai une procédure d’arbitrage contre l’Algérie pour récupérer une partie des taxes qu’ils considèrent avoir payées en trop depuis 2006. Le gouvernement Bouteflika avait modifié rétroactivement le partage des profits tirés du pétrole cette année-là pour favoriser Sonatrach. Les manigances de Bouteflika pendant son premier mandat viennent donc le rattraper à son dernier. C’est plus d’un demi-milliard de dollars des réserves de fonds du pays qui pourraient partir en fumées en raison de l’incompétence du gouvernement à gérer l’économie et les relations internationales du pays. Il faudra rajouter cette somme à celles que le ministre de l’Industrie Abdeslam Bouchouareb a cachées au Panama dans le lourd bilan des pertes algériennes dû au clan d’Abdelaziz Bouteflika.
Cette poursuite est principalement due à l’incompétence dont a fait preuve le gouvernement de Bouteflika quand il a décidé en 2006 de faire une modification unilatérale et rétroactive des contrats des grands groupes pétroliers présents en Algérie. La modification de la fiscalité pétrolière n’aurait concerné que l’Algérie si elle avait été bien faite. Mais comme cette dernière a enfreint des lois internationales, elle revient hanter le gouvernement. Si la taxation des profits exceptionnels de ces richissimes compagnies a été une bonne idée, elle a cependant été réalisée d’une manière tellement maladroite qu’elle a rendu l’Algérie vulnérable. Le clan Bouteflika qui régit son pays sans partage n’avait rien à faire du respect des règles internationales. Le pays a donc payé 4 milliards de dollars en 2012 en compensation, à la compagnie danoise Maersk et à la grosse Américaine Anadarko pour les pertes qu’elles ont subies en raison de cette modification de la fiscalité algérienne. Non seulement, cette action rendait le pays susceptible aux poursuites internationales, mais en plus, les entreprises étrangères ont arrêté d’y investir après 2006. La production pétrolière de l’Algérie a donc chuté de 20 % en dix ans. Or, ce sont ces mêmes investisseurs étrangers que Bouteflika a floués en 2006 qu’il essaie maintenant de courtiser pour qu’ils reviennent sauver son pays en 2016. Comme l’Algérie est encore dirigée par ce gouvernement scélérat, il y a de très fortes chances que l’appel aux capitaux qu’il vient de faire n’aura pas de meilleurs résultats que celles faites en 2008, 2009 et 2011.
Avec le recul des années, on peut donc voir que la politique de nationalisation menée par le Conseil de la Révolution algérienne de Boumediène était un chef-d’œuvre si on la compare à l’horrible gribouillage sans envergure économique de Bouteflika qui a amené le pays dans l’impasse où il se trouve actuellement. L’action de Boumediène a été si puissante qu’elle a provoqué le premier choc pétrolier de 1973 en montrant la voie aux autres pays du Moyen-Orient. Elle a ouvert la porte de la prospérité à l’Algérie. Les tentatives du clan Bouteflika d’extorquer plus d’argent des investisseurs étrangers en 2006 ont cependant refermé cette porte.
Contrairement aux grands hommes d’État de l’Algérie qui avaient repris en 1971 le contrôle de ses richesses et nationalisé les actifs des compagnies étrangères pour les transférer à Sonatrach, Bouteflika ne savait pas y faire. Faute d’investisseurs, l’Algérie ne peut actuellement augmenter ses exportations de pétrole pour compenser la diminution du prix du brut. Des pays qui tirent une bonne partie de leurs revenus du pétrole comme la Russie, l’Irak ou l’Arabie saoudite le peuvent, eux, parce qu’ils n’ont pas fait cette erreur. La rente pétrolière algérienne qui avoisinait les 70 milliards de dollars avant la crise n’atteindra donc même pas les 30 milliards de dollars cette année. Le déficit budgétaire pour 2016 pourrait même dépasser les 30 milliards de dollars et la solution n’est pas encore trouvée. La dernière conférence tripartite entre l’Union générale des travailleurs algériens, le gouvernement et le patronat a montré le 5 juin dernier l’incapacité du gouvernement à gérer cette situation. L’Algérie est donc encore paralysée, deux ans après le début de la crise pétrolière mondiale. Ce n’est pas de la gestion de crise, mais une crise de gestion.
Celui qui s’est fait élire en avril 1999 en promettant de réactiver l’économie et de ramener son pays sur la scène internationale aura finalement fait l’inverse de ce qu’il disait vouloir faire. De plus, Bouteflika qui affirmait pouvoir mater les assassins du Front islamique du salut les laisse actuellement souhaiter publiquement l’imposition de la charia en Algérie. On comprend donc un peu mieux pourquoi son clan veut faire taire les médias algériens indépendants et toutes les critiques sociales. Autant Human Rights Watch qu’Amnesty International, la FIJ et RSF ont dénoncé l’emprisonnement des deux responsables de la télévision privée KBC et celle d’un cadre au ministère de la Culture. Là encore, l’Algérie qui a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques en 1989 risque de se faire poursuivre pour le non-respect de la liberté d’expression que garantit l’article 19 de ce Pacte. L’Autorité de régulation de l’audiovisuelle mise en place le 20 juin 2016 s’annonce donc comme un autre paravent qui servira à cacher aux Algériens les méfaits du gouvernement.
Michel Gourd
Le Matin d’Algérie