« Il faut arrêter de comparer l’Algérie avec le Maroc »

Hakim Soufi le PDG de la société d’assurance MacirVie. Dans cet entretien à TSA, il revient sur le partenariat algéro-français, notamment suite à la visite du Premier ministre français, Manuel Valls, Hakim Soufi détaille également un nouveau service de MacirVie dans le domaine de l’assurance-santé internationale.
La visite du Premier ministre français a-t-elle été à la hauteur des attentes en termes d’accords ?
Nous avons ressenti une grande tension au départ, mais j’ai personnellement perçu une volonté de la France de reprendre sa place de premier partenaire de l’Algérie. Traditionnellement, les deux pays ont toujours été proches, malgré des hauts et des bas dans les relations.
Ils ont autant besoin de nous, que nous d’eux. J’ai été surpris par le nombre de ministres présents dans la délégation française. Cela démontre à quel point l’Algérie est une destination d’affaires stratégique pour la France.
Cela prouve que l’Algérie est un pays stratégique au Maghreb et que c’est un pays qui compte pour la France. L’amitié entre les deux pays est valorisée et l’on ne devrait pas s’arrêter à des problématiques journalistiques. Même si le nombre d’accords est en deçà des attentes, il faut saluer le gouvernement pour ses efforts et pour avoir maintenu la rencontre, en dépit des tensions.
Certains accords prévus ont été reportés, pourquoi ?
Des signatures d’accords ont effectivement été reportées. Les raisons de ce report nous sont inconnues.
Mais il faut comprendre une chose. Renault et Peugeot ne vont pas faire l’économie algérienne ! Et il faut arrêter de comparer l’Algérie avec le Maroc, notamment suite à l’annonce d’un gros investissement de Renault chez le voisin de l’ouest. Ce sont deux pays différents, avec deux stratégies différentes et où la maturation des projets est différente.
J’insiste sur ce point, car le Maroc n’a pas vécu la tragédie nationale que nous avons vécue. Nous avons donc 20 ans de retard sur ce pays, mais je prends le pari que, dans 20 ans, la tendance sera inversée, pour peu que l’on rende véritablement opérationnel le dispositif législatif et réglementaire actuellement mis en place en Algérie.
Il faut également comprendre qu’un passage de flambeau entre deux générations s’opère actuellement dans le pays : nous sommes au bon moment, au bon endroit, avec la bonne énergie. Nous devons être positifs car, de toute façon, nous n’avons pas de pays de rechange. Nous sommes condamnés à faire réussir le pays. Et je suis convaincu que dans les mois ou les quelques années à venir, il y aura une véritable prise de conscience, en raison notamment de la baisse des prix du pétrole et la nécessité de changement de l’orientation économique.
Quelle serait cette orientation économique dont l’Algérie a besoin ?
Je pense que ce sont les entreprises familiales algériennes qui construiront l’avenir économique de ce pays. Le gouvernement doit donc aller vers ces entreprises, identifier leurs besoins, non pas financiers mais en termes de dispositif réglementaire. Je plaide pour une union sacrée entre le gouvernement et les opérateurs, dans la concertation, pour trouver les meilleurs moyens d’inciter à l’investissement.
La règle 51/49% ne constitue-t-elle pas un frein à l’arrivée d’opérateurs étrangers plus vertueux ?
La règle 51/49 existe en Chine, aux Émirats arabes unis et ailleurs. On n’a jamais entendu de critiques. Il suffit que l’Algérie la mette en place pour que les opérateurs se plaignent. Je suis désolé, mais je ne suis pas d’accord. Nous demandons à être placés sur le même pied d’égalité.
Certes, il faut de la stabilité juridique, de la sécurité en termes d’environnement des affaires et de la sérénité pour pouvoir investir. On sent une volonté politique claire de pousser l’économie, mais aujourd’hui, cela ne va pas encore assez vite. L’envie, l’objectif sont là, mais les mesures ne sont pas mises en œuvre assez rapidement.
Certains dénoncent un partenariat bilatéral déséquilibré en faveur de la France. Qu’en pensez-vous ?
Je pense que non. Tout d’abord, tout partenariat doit être équilibré, à « gagnant-gagnant ». Maintenant, personne n’impose quoi que ce soit à l’Algérie. Les partenaires français sont arrivés et ont noué des accords. Il s’agit donc pour notre gouvernement et nos opérateurs de négocier ces partenariats pour qu’ils profitent aux deux parties.
Tout le monde dit que les Français viennent uniquement par intérêt. Mais quand on va visiter un pays étranger, c’est normal de s’inscrire dans une logique d’exportation et de rechercher son intérêt. Mais en règle générale, les accords signés ne sont jamais en déséquilibre. On voit avec les partenaires français que nous sommes sur un pied d’égalité. Ils veulent vraiment faire des affaires, nous aussi.
Mais il faut arrêter de faire des contrats à la hussarde. Il faut rédiger des contrats juridiquement et économiquement « blindés », avec des conditions claires et transparentes. Ensuite, il faut savoir qu’un contrat n’est pas fermé : il a vocation, durant sa durée de vie, à être modifié. Cela doit se faire sereinement.
Votre entreprise MacirVie a également signé un accord. Sur quoi porte-t-il ?
En effet, cet accord porte sur un partenariat entre une société française, Care Bridges représentée par M. Carl l’Empereur, et notre société MacirVie. Le but est de proposer une nouvelle offre, en inclusion automatique pour l’ensemble des contrats en assurance-groupe. Cette offre est donc dédiée au « B2B » [entreprises, NDLR].
Il s’agit de permettre à des clients, obligatoirement déjà assurés chez MacirVie, de gérer leur parcours médical. Par exemple si quelqu’un souffre d’une pathologie diagnostiquée en Algérie et qu’il veut avoir un deuxième avis médical, puis décide de se faire soigner en France : à ce moment-là MacirVie met en lien, à titre gracieux, le client avec la société Care Bridges.
Ensuite, notre partenaire (Care Bridges) prend en charge le client et l’orientera vers le bon spécialiste et la bonne structure de soin en France pour soigner sa pathologie. L’entreprise envoie ensuite un devis à son client algérien, qui paie à l’avance. Care Bridges assure ensuite une prise en charge totale, de l’arrivée à l’aéroport, la prise de rendez-vous, les soins, le logement (même pour les accompagnateurs), jusqu’au retour du patient en Algérie.
De plus, Care Bridges est un acheteur de soins en gros. Il permet donc au patient algérien de bénéficier des réductions sur ses frais. Cela permet un gain de temps considérable et facilite les différentes procédures pour le client.
Le paiement se fait donc avec l’entreprise française. Quel est l’intérêt de MacirVie ?
Il s’agit de dépasser le cadre classique des assurances conventionnelles. Cela nous permet d’améliorer notre offre de services et de nous démarquer de la concurrence. Nous innovons donc, pour répondre aux exigences des clients et leur faciliter la vie. Le but est de leurs trouver des solutions, notamment dans le domaine de la santé qui est un secteur sensible.
L’État lance un emprunt obligataire. L’entreprise MacirVie compte-t-elle y participer au titre d’investisseur institutionnel ?
À partir du moment où le gouvernement nous a fait l’honneur de nous permettre d’activer dans notre secteur et qu’il fait appel à l’épargne publique et privée, il est normal que nous répondions présents.
J’estime que c’est une très belle initiative. Cela fait très longtemps que nous n’avons pas vu d’emprunt obligataire de cette ampleur. Le ministre des Finances met tout son poids pour que l’opération soit un succès, donc si nous pouvons y contribuer à notre échelle, nous le ferons.
Par Tewfik Abdelbari
TSA