Gigantesques feux de forêts au Canada: le changement climatique pointé du doigt

Les scientifiques pointent du doigt le réchauffement climatique dans les gigantesques feux qui viennent de ravager une partie de la province canadienne de l’Alberta, soulignant que la fréquence, la durée et l’intensité des incendies dans les forêts boréales ont nettement augmenté avec la montée des températures.
Les incendies autour de la ville de Fort McMurray la semaine dernière ont dévasté plus de 200.000 hectares (2.000 km2) en neuf jours et forcé l’évacuation de près de 100.000 personnes.
« Il y a de solides indications d’un lien entre l’accroissement du nombre de ces incendies –un phénomène saisonnier récurrent– et le réchauffement du climat et une sécheresse accrue à ces latitudes élevées au cours des dernières décennies », observe Scott Goetz, professeur de sciences environnementales à l’université du Maryland.
« Il est difficile d’établir un lien spécifique entre le changement climatique et un événement particulier comme les feux de Fort McMurray mais les statistiques sur l’ampleur et la gravité des incendies montrent une tendance de ce qu’on peut attendre d’un environnement plus chaud et plus sec », explique le scientifique dans un entretien avec l’AFP.
Il indique aussi que « cette corrélation avec le réchauffement planétaire a été établie par nombre d’études scientifiques ».
Le professeur Goetz relève également que la plupart des feux les plus étendus et les plus destructeurs se sont produits durant ces dix dernières années en Alaska, au Canada et dans les régions limitrophes des Etats-Unis.
Même constat pour Michael Mann, professeur de sciences atmosphériques à la Penn State University. Il existe « un lien très clair entre le réchauffement exceptionnel des régions boréales depuis cinquante ans et le doublement des superficies ravagées par les feux pendant la même période ».
« Toutes choses étant égales par ailleurs, des températures plus chaudes entraînent une plus grande évaporation, des sols plus secs et un potentiel accru pour des incendies » dans les forêts de l’hémisphère nord, dit-il à l’AFP.
Ces forêts en Sibérie avaient connu des incendies de grande ampleur pendant l’été 2015 qui ont détruit plus de 200.000 hectares.
En Alaska, où se trouvent la plupart des forêts boréales des Etats-Unis, 2015 a été la deuxième saison de feux la plus active dans les annales avec 768 foyers qui ont consumé plus de deux millions d’hectares.
Quant au Canada qui compte les plus vastes forêts boréales de la planète avec 270 millions d’hectares ou 28% du total, le bilan des incendies est plus lourd depuis le début de la saison que pour l’ensemble de 2015. Même sans compter les foyers autour de Fort McMurray, on a dénombré 1.371 incendies depuis le début de l’année, contre 1.107 l’an dernier à la même période.
Environ 120.000 hectares ont été brûlés auxquels s’ajoutent les 222.000 hectares du feu exceptionnel de Fort McMurray, ce qui se compare à un peu moins de 80.000 hectares sur les quatre premiers mois de 2015, selon les autorités canadiennes (CIFFC).
L’accroissement de ces feux risque de réduire la capacité des forêts boréales à retenir le dioxyde de carbone et du méthane, ce qui contribuera à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, craint Eric Kasischke, un scientifique de la division des sciences de la Terre à la Nasa.
« Un accroissement annuel continu des superficies brûlées va probablement augmenter les concentrations de gaz à effet de serre simplement par le fait que les forêts les plus anciennes qui partent en fumée stockent plus de CO2 que celles plus jeunes qui les remplacent », expliquent-il à l’AFP.
En outre, les régions boréales sont uniques par le fait que de vastes zones forestières poussent sur du permafrost riche en carbone organique sous sa surface gelée qui peut brûler pendant des incendies, tout comme les tourbières.
« Il y a ainsi un risque que ces sols se consument plus en profondeur avec le réchauffement climatique, ce qui accroîtrait les concentrations de gaz à effet de serre responsable du réchauffement », relève l’expert de la Nasa, notant la difficulté à ce jour de prédire l’évolution de ce phénomène et son impact sur le climat.
Pour le climatologue Forrest Hall, professeur à l’université du Maryland, « il s’agit de la plus grande inquiétude pour les scientifiques ».
Les forêts boréales stockent dans le permafrost sur lequel elles poussent d’énormes quantités de carbone, « en fait deux fois plus que le CO2 qui se trouve actuellement dans l’atmosphère », explique-t-il à l’AFP.
« C’est le scénario le plus effrayant résultant du réchauffement climatique…ce qu’on appelle la bombe carbone », ajoute le scientifique.
AFP