Comment le Maroc compte appliquer la loi sur l’interdiction des sacs plastique

Le 1er juillet 2016 sonne officiellement la fin des sacs plastique au Maroc. Après son adoption en Conseil de gouvernement, puis par les deux chambres du parlement, la loi n°77-15 interdisant les sacs plastique doit en effet entrer en vigueur le 1er juillet, soit dans une quinzaine de jours.
La nouvelle loi interdit toute production, importation, exportation, commercialisation et utilisation de sacs plastique destinés à l’emballage, mais autorise l’utilisation des autres types de sacs notamment isothermes, ceux utilisés pour les serres agricoles ou encore pour la collecte d’ordures. Elle s’accompagne aussi d’amendes et de sanctions envers les réfractaires.
La date butoir approche, les sacs toujours en circulation
Seulement, la date butoir approche à grands pas, mais les sacs interdits continuent toujours de circuler au Maroc. Se pose dès lors la question de savoir comment le Maroc compte appliquer les dispositions de la nouvelle loi. Question à laquelle le gouvernement avait dans un premier temps répondu par la mise en place, au niveau national, de centres de collecte pour permettre la réduction des volumes de sacs plastique en circulation.
Aussi, une vaste opération de ramassage des sacs plastique sur tout le territoire national, sera lancée du 24 au 26 juin par la Coalition marocaine pour la justice climatique. L’objectif de l’initiative « Zéro Mika » est de sensibiliser les populations sur les risques environnementaux posés par leur accumulation dans la nature.
« C’est une opération de la société civile soutenue par l’ensemble des partenaires, car c’est un sujet sociétal et une cause nationale. Le gouvernement encourage tous les acteurs dans ce domaine », déclare au HuffPost Maroc le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Mustapha Khalfi. Il ajoute que « la campagne vient d’être déployée dans la télévision publique », et que « le ministère de l’Industrie assure le suivi de la mise en oeuvre de la loi ».
Au niveau des solutions palliatives à la disparition programmée des sacs plastique, le ministère de l’Industrie penche pour une reconversion du secteur dans les sacs dégradables ou biodégradables. Pour accompagner ce mouvement de reconversion, les TPE de la plasturgie pourront ainsi se voir attribuer une subvention pouvant atteindre 2 millions de dirhams.
Le gouvernement subventionne la reconversion
Quant aux PME (dont le chiffre d’affaires oscille entre 2 et 10 millions de dirhams), elles pourraient se voir offrir une aide à la reconversion atteignant 10 millions de dirhams. Néanmoins, TPE comme PME devraient faire au moins 30% de leur activité dans la production de sacs plastique pour prétendre à la subvention. Cette reconversion pourrait être un passage de la production de sacs plastique au tout papier, comme les sacs en cartons utilisés dans certains états des Etats-Unis, ou encore en Suisse. Autres solutions qui s’offrent aux fabricants de sacs plastique: se mettre à la production de paniers en osier tressé, ou au recyclage des sacs collectés en meubles.
Les industries plasturgiques qui souhaitent continuer leur activité de production de sacs plastique peuvent le faire, à condition de ne produire que des sacs non-interdits. Malgré nos multiples sollicitations pour savoir comment le secteur se préparait à la date butoir, les responsables de la Fédération marocaine de la plasturgie n’ont pas souhaité apporté de réponses à nos questions.
Une vaste campagne de sensibilisation
Pour être efficace, la nouvelle loi doit « traquer » le secteur informel, qui est à l’origine de près de 80% des sacs en plastiques sur le marché, et engrange près de 8 fois les 2,4 milliards de chiffre d’affaires brassés par le secteur formel de la plasturgie, selon les chiffres avancés par l’Economiste. Pour certains observateurs, la prévalence du secteur informel est un frein à la disparition des sacs plastique non-dégradables et non-biodégradables.
Autre enjeu de taille, d’ordre social cette fois. Selon les chiffres de la Fédération nationale de plasturgie, le secteur générerait 28 milliards de dirhams et créerait quelques 14.000 emplois directs et 70.000 emplois indirects. Quel plan va dérouler le gouvernement face à la probable perte d’emplois de certains employés du secteur? Une question à laquelle le gouvernement n’a pas encore apporté de réponse.
La société civile, elle, craint que la loi reste lettre morte. Pour Mohamed Leghtas, coordinateur du projet « Zéro Mika » et membre de la Coalition pour la justice climatique, « cette loi est indispensable pour éradiquer ces sacs qui ont un effet néfaste sur l’environnement. Mais son application est une autre chose. L’article 6 définit le mécanismes de suivi de cette loi. Outre les agents de la police, d’autres personnes sont habilitées à veiller à l’application de la loi. Mais, dans ce cas, il va falloir élaborer un texte juridique qui définisse les profils de ces personnes ».
Notre interlocuteur ajoute qu' »au Maroc, nous avons un problème pour l’application des lois. La loi 28-00, qui concerne la gestion des déchets, est entrée en vigueur en 2006. Elle définit le danger que constituent les déchets sur la santé des citoyens, la faune et la flore, et les protège de l’impact des déchets. Malheureusement, cette loi n’a jamais été appliquée. Si elle était appliquée, on n’en serait pas là ».
huffpostmaghreb