Allemagne: les jours de la coalition Merkel sont comptés

Avec la victoire de l’aile gauche du SPD, la grande coalition (CDU-CSU-SPD), déjà bien chancelante, est en grand danger. Angela Merkel aussi.
L’annonce des vainqueurs de l’élection à la présidence du parti social-démocrate est tombée samedi soir comme une bombe. Tout le monde s’attendait à l’élection d’Olaf Scholz, ministre des Finances et vice-chancelier, et de sa coéquipière Klara Geywitz, originaire de l’ancienne RDA. Un tandem homme-femme garant de stabilité et de continuité que l’establishment du parti, la quasi-totalité des ministres présidents et des députés au Bundestag avaient vigoureusement soutenu tout au long de cette très longue procédure. Pour la première fois, le chef du SPD n’était pas désigné derrière des portes closes, mais les 425 000 adhérents du parti étaient appelés à voter en ligne ou par courrier. Personne ne pourra donc contester la légitimité du verdict d’hier.
À la surprise générale, c’est l’autre couple de candidats qui l’a emporté à une indiscutable majorité. Or Norbert Walter-Borjans, ancien ministre des Finances de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le plus gros Land allemand, et Saskia Esken, députée au Bundestag, appartiennent à l’aile gauche du parti. S’ils ne le disent pas ouvertement, nul n’ignore qu’ils ne sont pas hostiles à l’idée que le SPD quitte enfin la GroKo pour voler de nouveau de ses propres ailes et reconquérir l’électorat traditionnel déçu par le virage à droite que prit le SPD sous l’ère Gerhard Schröder. Les Jusos, les jeunes sociaux-démocrates, et la puissante fédération de Rhénanie-du-Nord-Westphalie ont pesé de tout leur poids dans cette décision.
Une grande question est sur toutes les lèvres aujourd’hui : que va-t-il advenir maintenant de la grande coalition déjà si chancelante ? Saskia Esken en particulier s’est très fermement positionnée pour une renégociation du traité de coalition qui règle dans les moindres détails la ligne à suivre par les trois partis au pouvoir. Elle exige en particulier une majoration du salaire minimum et le déblocage de fonds supplémentaires pour le climat. Or Annegret Kramp-Karrenbauer, la présidente de la CDU, a déjà prévenu il y a quelque temps qu’il n’était pas question de renégocier quoi que ce soit. Norbert Walter-Borjans a eu beau rassurer hier soir en affirmant qu’il n’était pas question d’agir dans la précipitation, une chose est sûre : les fronts vont se durcir entre les partenaires de la coalition et les jours du gouvernement Merkel sont plus que jamais comptés. Certains commentateurs particulièrement alarmistes n’hésitent pas à prédire le chaos dans un pays abonné à la stabilité qui déteste par-dessus tout les expériences hasardeuses.
Merkel résistera-t-elle ?
Il y va aussi de la survie du SPD, qui, disent les commentateurs, s’il ne veut pas être réduit à la portion congrue comme le Parti socialiste français, a intérêt à se ressaisir et à faire face à ses responsabilités. Pas question de claquer la porte du gouvernement en risquant de plonger le pays dans la crise. Pour Olaf Scholz, ce résultat équivaut à un vote de défiance. Certains attendent maintenant la démission d’un ministre accusé d’arrogance qui n’a jamais émis de doute sur le fait qu’il serait le candidat de son parti dans la course à la chancellerie.
Les élections sont prévues pour l’automne 2021. Angela Merkel, très absente de la vie politique allemande depuis quelque temps, se dit prête à aller jusqu’à la fin de son mandat. Pourtant, rien ne garantit depuis hier soir qu’elle y parviendra. La tenue d’élections anticipées serait néanmoins très risquée pour les partis traditionnels alors que les populistes d’extrême droite et les Verts viennent de cartonner aux élections régionales.