Erdogan renforce considérablement ses pouvoirs

Le Parlement turc a donné son feu vert samedi à une révision constitutionnelle renforçant considérablement les pouvoirs du président Recep Tayyip Erdogan, ouvrant la voie à un référendum sur cette proposition critiquée.
M. Erdogan estime que cette réforme, qui pourrait lui permettre de rester au pouvoir jusqu’à au moins 2029, est nécessaire pour garantir la stabilité à la tête de la Turquie, confrontée à une vague sans précédent d’attentats et des difficultés économiques.
Mais le texte suscite l’inquiétude d’opposants et d’ONG qui accusent le chef de l’Etat turc de dérive autoritaire, notamment depuis la tentative de putsch de juillet qui a été suivie de purges d’une ampleur inédite.
La réforme constitutionnelle, composée de 18 articles, permettrait notamment au président de nommer et révoquer les ministres, promulguer des décrets et déclarer l’état d’urgence.
Le Parlement a approuvé en seconde lecture la proposition avec 339 voix sur 550, soit plus que le seuil nécessaire des trois cinquièmes pour soumettre le texte à une consultation populaire qui devrait se tenir au printemps, selon le gouvernement.
« Notre nation prononcera le dernier mot sur ce sujet. Elle donnera la décision finale », a affirmé le Premier ministre Binali Yildirim, à l’issue du scrutin. « Que personne n’en doute, notre nation prendra (…) la plus juste des décisions », a-t-il ajouté.
La victoire, scellée un peu après 4 heures du matin (01h00 GMT) samedi, a été assurée par une alliance formée entre le parti islamo-conservateur au pouvoir, l’AKP, et le parti de droite nationaliste, le MHP.
Aux termes de la réforme constitutionnelle, le président pourra être élu deux fois pour cinq ans, et se représenter une nouvelle fois si des élections législatives sont convoquées pendant son second mandat.
Si le compteur de M. Erdogan, élu en 2014 à la présidence après 12 ans à la tête du gouvernement, est remis à zéro avec cette réforme, ce qui n’est pas clairement établi, il pourrait donc rester au pouvoir jusqu’à au moins 2029, le prochain scrutin étant fixé à novembre 2019.
Avec cette réforme, la fonction de Premier ministre disparaîtrait, au profit d’un ou plusieurs vice-présidents. Le président pourra également dissoudre le Parlement et intervenir dans le domaine judiciaire.
« La séparation des pouvoirs serait complètement abolie », a affirmé Metin Feyzioglu, président de l’Union des barreaux de Turquie. « Ce n’est pas une réforme, mais un suicide », a-t-il ajouté.
Emma Sinclair-Webb, directrice Turquie de Human Rights Watch, a pour sa part indiqué que cette réforme « concentre absolument tous les pouvoirs dans les mains du président ».
En outre, a-t-elle souligné, la fermeture de nombreux médias critiques dans le cadre de l’état d’urgence en vigueur depuis la tentative de putsch en juillet rend impossible « un débat public effectif ».